Depuis la crise financière de 2008‑2009, plusieurs failles des dispositifs réglementaires bancaires ont été révélées : volatilité excessive, estimations trop optimistes des risques de crédit ou de marché, manque de comparabilité entre institutions financières utilisant des modèles internes ou des approches standardisées. Les normes de Bâle III cherchaient déjà à les corriger, mais avec l’évolution des marchés financiers mondiaux, des tensions macro‑économiques et l’émergence de nouveaux risques, il est devenu nécessaire de renforcer encore le cadre prudentiel.
Cet article examine ce qu’est Bâle IV (souvent appelé Bâle III finalisé) : ses origines, ses principales composantes (exigences de fonds propres, output floor, gestion des risques, modèles internes vs méthodes standards), son application dans l’Union européenne (via CRR3/CRD6) et ses enjeux pour les banques et les régulateurs.
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En résumé
| Thème | Résumé | 
| Origine | Bâle IV est la finalisation des normes Bâle III par le Comité de Bâle, visant à renforcer la stabilité financière mondiale après les failles révélées par la crise de 2008. | 
| Objectifs | Harmoniser les exigences de fonds propres, réduire les écarts entre modèles internes et méthodes standardisées, améliorer la gestion des risques. | 
| Composantes clés | – Révision des pondérations de risque (crédit et marché)- Limitation des modèles internes- Introduction de l’output floor à 72,5 %- Renforcement des exigences de capital réglementaire | 
| Mise en œuvre | Transposée dans l’UE via les textes CRR3 / CRD6, avec entrée en vigueur progressive à partir de 2025. Des périodes transitoires sont prévues pour limiter les chocs. | 
| Impacts | – Hausse des exigences de fonds propres- Coût opérationnel accru- Révision des portefeuilles- Impact possible sur le coût du crédit- Meilleure comparabilité entre banques | 
Genèse et contexte : de Bâle I à Bâle III et vers Bâle IV
- Le Comité de Bâle, créé en 1974, est l’instance internationale chargée d’élaborer les normes prudentielles que de nombreux pays et zones économiques (dont l’Union européenne et des membres du G20) adoptent ou adaptent.
- Bâle I, le premier accord adopté en 1988, a posé les fondations de ces règles : ratio minimum de fonds propres, pondération simple des risques de crédit selon catégories de contrepartie.
- Bâle II a introduit dès 2004 des approches plus fines : méthodes internes (IRB), approches standardisées, prise en compte des risques de marché, opérationnels, etc.
- Bâle III, apparu en 2010 après la crise de 2008, a renforcé la qualité et le niveau des fonds propres, introduit des ratios de liquidité, des coussins prudentiels, un ratio de levier, etc.
- Bâle IV est souvent décrit comme “Bâle III finalisé” : il représente l’ensemble des réformes finales adoptées en 2016 pour compléter Bâle III, corriger certaines lacunes, accroître la rigueur des approches internes, limiter l’écart entre approche standardisée et modèles internes, via notamment le mécanisme de l’output floor.
Principales composantes de Bâle IV
Voici les volets essentiels de Bâle IV / Bâle III finalisé :
| Composante | Description | Impact attendu | 
| Exigences de fonds propres (capital requirements) | Renforcement des montants et de la qualité du capital (Tier 1, Common Equity Tier 1), meilleure couverture des risques. | Les banques doivent détenir plus de capital pour absorber les pertes potentielles, réduisant ainsi le risque systémique. | 
| Risque de crédit | Révision des pondérations de risque, limitation de certaines approches IRB, renforcement des exigences pour les expositions aux entreprises non notées, aux prêts immobiliers résidentiels. | Les banques qui utilisaient des modèles internes très favorables vont voir leurs exigences de fonds propres augmenter. L’évaluation du risque sera plus prudente. | 
| Risque de marché | Nouvelle FRTB (Fundamental Review of Trading Book), révision des approches standardisées pour le risque de marché, meilleures définitions entre Banking Book et Trading Book. | Augmentation probable des fonds propres requis pour les activités de marché, meilleures comparaisons entre banques. | 
| Modèles internes vs méthodes standardisées (approche standard, approche IRB) | Réduction de la portée de certains modèles internes, renforcement des critères d’approbation, transparence accrue, convergences plus fortes entre standard et interne, etc. | Moins de “flexibilité” pour les banques avec modèles internes, plus de coût, plus de données à collecter, renforcement de la surveillance. | 
| Output floor (plancher sur les exigences calculées selon modèles internes) | Plancher de 72,5 % des exigences de fonds propres si l’approche standardisée était utilisée : les résultats obtenus via les modèles internes ne peuvent pas être très inférieurs à ceux de l’approche standard. | Réduit les écarts entre banques, améliore la comparabilité, mais impose des contraintes importantes pour celles qui s’appuyaient fortement sur les modèles internes. | 
| Actifs pondérés en fonction des risques (RWAs – Risk Weighted Assets) | Réévaluation des pondérations selon le type de risque, les contreparties, la durée, etc. Meilleure granularité. | Les banques verront certains actifs coûter “plus cher” en capital, ce qui peut affecter leur modèle économique. | 
Mise en œuvre dans l’Union européenne
- L’UE transpose Bâle IV via les règlements et directives CRR3 (Capital Requirements Regulation III) et CRD6 (Capital Requirements Directive VI).
- L’output floor sera appliqué à l’ensemble des exigences en fonds propres (Pilier 1, Pilier 2, coussins), avec certaines périodes transitoires pour éviter des chocs immédiats.
- Calendrier : certaines mesures entrent en vigueur dès début 2025. Des périodes de transition sont prévues pour les prêts immobiliers résidentiels, les entreprises non notées, etc.
- Spécificités locales : l’UE pourra adapter certaines pondérations, imposer des exigences additionnelles par rapport aux standards du Comité de Bâle, notamment à cause de l’environnement réglementaire particulier, du niveau de risque local, etc.
Impacts pour les institutions financières
- Augmentation des fonds propres requis : les banques qui utilisaient des modèles internes très “favorables” ou qui avaient des expositions avec des pondérations faibles vont devoir détenir plus de capital.
- Coûts opérationnels accrus : collecte de données, validation des modèles, ajustements informatiques, reporting renforcé.
- Reconfiguration des portefeuilles : certaines expositions très risquées ou peu rémunératrices pourraient être réduites ou cédées pour alléger les besoins de capital.
- Effet sur le coût du crédit : pour compenser les nouveaux coûts de fonds propres, les banques pourraient être amenées à augmenter les taux d’intérêt ou à exiger de meilleures garanties.
- Compétitivité et comparabilité : l’output floor contribue à un terrain de jeu plus équilibré entre banques, meilleur comparatif entre institutions utilisant des approches standardisées ou internes.
- Surveillance et risques de marché : les banques devront renforcer leur gestion des risques de marché, respecter de nouveaux standards, et s’assurer que les méthodes internes sont bien calibrées pour ne pas sous‑évaluer le risque.
- Formation continue : les équipes de risque, conformité, audit, finance devront être formées pour maîtriser les nouvelles pondérations de risque, les méthodes standardisées, la mise en œuvre de l’output floor, etc.
Bonnes pratiques pour mettre en œuvre Bâle 4 dans les institutions financières :
- Réalisations d’études d’impact (QIS – Quantitative Impact Studies) : mesurer l’écart entre la situation actuelle et les exigences à venir pour tous les types de risques.
- Audit des modèles internes : s’assurer que les modèles sont bien calibrés, validés, stressés, transparents, conformes aux normes.
- Simulations de l’output floor : tester différents scénarios, préparer la levée de fonds propres ou la restructuration de certains portefeuilles.
- Renforcement de la gouvernance du risque : comités internes, comités de surveillance, contrôle interne, reporting clair pour le conseil d’administration.
- Formation des équipes : risques de crédit, risques de marché, pondérations, approche standardisée, méthodes internes.
First Finance a conçu un ensemble de formations spécialisées sur ces thématiques pour permettre aux professionnels du secteur d’acquérir les compétences réglementaires, techniques et pratiques induites par ces accords.
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- Adaptation des stratégies de portefeuille : simplification ou réduction d’activités trop capitales ou peu rentables, diversification.
- Dialogue avec les régulateurs : comprendre les spécificités locales, les périodes de transition, les ajustements possibles (par exemple pour les prêts immobiliers, pour les entreprises non notées).
Conclusion
Bâle IV représente une étape décisive dans l’évolution de la régulation bancaire. Pour les institutions financières, c’est un défi : ressources à mobiliser, modèles à réviser, capitaux à renforcer, mais aussi une opportunité de renforcer la gouvernance des risques, de clarifier les pratiques, et de restaurer la confiance des marchés et des parties prenantes.
Pour les professionnels de la finance, la maîtrise de Bâle IV est indispensable. En formation, il sera essentiel d’intégrer dans les cursus les notions de pondérations de risque (risk weights), d’approche standardisée vs IRB, d’output floor, d’exigences de fonds propres, de CRR3/CRD6, de gestion des risques de crédit et de marchés.
FAQ
C’est quoi les normes de Bâle ?
C’est un ensemble d’accords internationaux promus par le Comité de Bâle (composé des banques centrales et autorités de surveillance de divers pays) pour définir des règles prudentielles applicables aux banques. Elles visent principalement à garantir que les établissements financiers disposent de suffisamment de fonds propres pour couvrir leurs risques (crédit, marché, opérationnel), à limiter les effets de contagion, et à assurer la stabilité financière mondiale. On passe de Bâle I à Bâle II, puis à Bâle III, et maintenant au cadre finalisé souvent appelé Bâle IV.
Quelles sont les catégories de risques Bâle ?
Les principales catégories de risques prises en compte dans les normes de Bâle sont :
- Risque de crédit : possibilité de pertes dues à la défaillance de contreparties à qui une banque a prêté.
- Risque de marché : pertes résultant des fluctuations de prix des actifs, taux d’intérêt, devises, spread de crédit, etc.
- Risque opérationnel : pertes causées par des processus internes défaillants, des erreurs, fraudes, systèmes informatiques, etc.
- Risque de contrepartie / risque de CVA (Credit Valuation Adjustment) : pertes potentielles liées aux expositions aux dérivés ou financements avec contreparties, prenant en compte la variation de la valeur des expositions.
 
         
															 
															 
															 
								 
															 
															 
															 
															 
															 
								 
															 
															 
															