Que reste-t-il de nos actifs ?
Fabrice GUEZ
Formateur - First Finance
Date : 16 octobre 2023

Que reste-t-il de nos actifs ?

Dans une semaine dramatique à tous les points de vue, du samedi au vendredi, il est difficile de se concentrer sur l’économie.

 

Nous allons essayer de le faire ici pourtant.
Avec un focus sur les derniers chiffres allemands et les résultats des financières américaines avec BlackRock et JPMorgan au sommet.

 

Allemagne, année Zéro ?

La réussite économique a donné à l’Allemagne non seulement une identité d’après guerre, mais aussi un pouvoir d’attraction immense. Lorsqu’ils ont renversé le mur de Berlin en novembre 1989, les Berlinois de l’Est ont d’abord pris d’assaut les rues commerçantes dont ils avaient rêvé mais qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de voir.

 

Les dirigeants allemands se sont appuyés sur la puissance économique du pays pour mener à bien la réunification, et construire quasiment toute seule l’Union Européenne.

 

Mais aujourd’hui, seulement 35 ans après la chute du mur, l’économie allemande est dans le mur, et pas seulement à cause de la COVID ou parce que le président russe Vladimir Poutine a fermé le robinet du gaz.

 

Parallèlement à son malaise économique, et peut-être à cause de lui, le pays vit un tremblement de terre politique, démocratique et démographique sans précédent.

 

a) Récession année 2

Car le gouvernement allemand s’attend maintenant à ce que l’économie se contracte de 0,4% en 2023 en raison d’une forte inflation, de prix élevés de l’énergie et de la faiblesse du commerce international. Après une récession déjà subie en 2022.

 

Même si les premiers signes de ralentissement de l’inflation arrivent avec l’infernale machine à resserrer de Mme Lagarde à la Banque Centrale Européenne, les délais de transmission de la politique monétaire à l’économie monétaire et à l’économie réelle sont terriblement longs (on parle de plus de 18 mois), et ses effets pourraient tarder à se faire sentir.

 

De plus, non seulement le géant allemand est fragilisé par sa dépendance au gaz russe et au marché chinois, mais aussi par les  dysfonctionnements de sa coalition au pouvoir. L’Allemagne a pris conscience des limites de son modèle depuis le début de la guerre en Ukraine. Et elle n’est pas la seule.

 

De plus, à cela vient s’ajouter la faiblesse du secteur industriel et les taux d’intérêt les plus élevés depuis dix ans qui rendent inévitable une nouvelle récession cette année dans la plus grande économie de la zone euro.

 

L’autre point noir de l’Allemagne est le retard spectaculaire d’investissements publics dans son économie. Car si le pays est souvent félicité pour son sérieux budgétaire, ce sérieux a un prix. Le prix c’est qu’en raison du frein à la dette inscrit dans sa constitution depuis 2011 le cadre budgétaire allemand est terriblement contraignant et a obligé l’exécutif allemand à remettre les règles de rigueur dans les comptes publics.

 

Enfin le pays est en voie de japonisation du fait de la vieillesse de son pays. Le pourcentage de la population allemande âgée de 15 à 24 ans a atteint son point le plus bas depuis le début des relevés actuels en 1950.

 

Bien que la population allemande dans son ensemble ait augmenté, dépassant pour la première fois les 83,2 millions d’habitants à la fin de 2021, seuls 10 % d’entre eux appartenaient à la tranche d’âge clé des 15 24 ans. Le nombre et la proportion de jeunes en Allemagne diminuent depuis 2005.

 

De ce fait, tout le monde s’inquiète et vient au chevet du grand malade européen. Et ces dernières semaines, l’Allemagne a lentement regagné le titre peu enviable « d’homme malade de l’Europe », bien que certains économistes ne soient pas convaincus qu’il s’agisse d’une description juste et précise de la plus grande économie d’Europe.

 

L’Allemagne a été décrite pour la première fois avec ce surnom en 1998, alors que le pays faisait face aux défis coûteux d’une économie post-réunification.

 

« L’Allemagne est-elle à nouveau l’homme malade de l’Europe ? » titre l’hebdomadaire britannique The Economist.

Car, si le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck a présenté ce mercredi les prévisions du gouvernement, qui montreront que l’économie devrait croître de 1,3 % l’année prochaine et de 1,5 % en 2025, ce dernier avait quand même prévu une croissance de 0,4 % pour 2023 dans ses prévisions d’avril.

 

b) France 1 – RFA 0 (après prolongations) ?

La situation est tellement terrible de l’autre côté du Rhin, que depuis l’entrée en récession de l’Allemagne au début de l’année, le gouvernement français ne peut s’empêcher de faire des comparaisons apologétiques vis à vis du « miracle » français.

 

« La France devient la locomotive de l’Europe », a répété le Ministre de l’économie Bruno Le Maire soulignant ses « résultats économiques exceptionnels », quelques jours après que l’Allemagne a confirmé la contraction de son économie au deuxième trimestre. Même le président Emmanuel Macron y est allé de son petit refrain en glissant cette petite pique à peine déguisée : « Vous avez la chance, messieurs les ministres, d’être dans un pays qui n’est ni en récession ni en austérité. » Et même outre Rhin on parle de la réussite française avec des étoiles dans les yeux.

 

Il ne faut quand même pas pousser… surtout quand on se penche sur le Projet de Loi de Finances de la semaine dernière.

 

Car le ralentissement allemand doit légitimement inquiéter les économistes français.

 

L’Allemagne est de très loin le premier des partenaires commerciaux, largement en tête loin devant l’Italie, les Etats Unis. L’économie allemande est à la fois le premier client et le premier fournisseur de la France. Mais l’Allemagne n’est pas que le premier partenaire commercial de la France, c’est aussi le second investisseur étranger dans l’hexagone derrière les Etats-Unis.

 

Ainsi, considérant l’interdépendance des deux pays, la récession allemande pourrait très vite provoquer des dégâts sur notre économie. Et faire échouer l’objectif … comment dire … très optimiste de croissance française à 1,4%% annoncé dans le budget 2023 de la semaine dernière.

 

Et à la fin, c’est JP Morgan qui gagne

 

JPMorgan Chase a annoncé un bond de 35 % de ses bénéfices pour le troisième trimestre. La banque a déclaré vendredi que le bénéfice net avait grimpé à 13,2 milliards de dollars ce qui est supérieur aux 11,9 milliards de dollars attendus par les analystes. Tout se passe bien pour les banques américaines, au contraire de nos banques européennes qui ont annoncé des résultats plus décevants les unes que les autres.

 

Pour la plus grande banque américaine, tout se passe bien puisqu’elle continue de récolter les fruits de la hausse des taux.

 

Comme au trimestre précédent, la majeure partie de la hausse de son résultat est due aux revenus nets d’intérêts, qui, à 22,7 milliards de dollars, ont augmenté de 30 % par rapport au même trimestre de l’année précédente.

 

JPMorgan continue, et c’est bien la seule, de bénéficier du cycle de hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale. En effet, le revenu net d’intérêts est la différence entre ce que les banques paient sur les dépôts et ce qu’elles gagnent sur les prêts (ou sur les obligations qu’elles ont dans leurs actifs).

Au cours des 18 derniers mois, les grandes banques telles que JPMorgan ont été en mesure de facturer davantage de prêts sans offrir aux épargnants des taux d’intérêt nettement plus élevés sur les dépôts.

 

À cela s’ajoute deux éléments essentiels :

  • D’une part l’acquisition d’urgence de First Republic par la banque et de ses éléments de bilan vendus à la casse.
  • D’autre part de la baisse du coût du crédit avec des pertes sur prêts inférieures à celles anticipées, et de ce fait un retour de provision bienvenu. Signe d’un environnement de crédit plus favorable que prévu pour les consommateurs américains, JPMorgan a revu à la baisse ses prévisions concernant les taux d’impayés nets de son activité de services de cartes, le faisant passer de 2,6 % à environ 2,5 %.

 

Jamie Dimon, directeur général de JPMorgan, a déclaré que les bénéfices étaient solides mais a tout de même mis en garde contre les dangers venus des conflits en Ukraine et au Proche Orient en déclarant qu’il s’agissait peut-être de la période la plus dangereuse que le monde ait connue depuis des décennies.

 

De son côté, BlackRock a elle aussi annoncé des chiffres qui ont dépassé les attentes avec des bénéfices en hausse de 13 % par rapport à l’année précédente. Le plus grand gestionnaire d’actifs au monde a annoncé un bénéfice net ajusté de 1,6 milliard de dollars, grâce à la croissance plus rapide que prévu de sa plateforme de gestion des risques Aladdin et d’autres technologies. Le chiffre d’affaires s’est élevé à 4,5 milliards de dollars et le bénéfice ajusté à 10,91 dollars par action.

 

Belle surprise et belle nouvelle.

Mais le chiffre doit être regardé à deux fois.

Car pour la première fois depuis 2004, la volatilité des marchés a fait baisser les actifs sous gestion et a entraîné les premières sorties nettes de capitaux à long terme du groupe. Les analystes s’attendaient pourtant à des entrées nettes de capitaux à long terme de 50 milliards de dollars au cours du trimestre et à un bénéfice net de 1,2 milliard de dollars.

 

Le directeur général Larry Fink s’est dit déçu par la faiblesse des flux, mais a ajouté que le groupe se positionnait pour capter l’argent en mouvement. Mais ses clients ont retiré un total de 13 milliards de dollars, ce qui témoigne d’un sentiment moins favorable à l’égard du marché boursier (et de sa croissance à long terme) dans un contexte de hausse des rendements et des fonds du marché monétaire.

 

On le rappelle certains états se sont désinvestis du géant de l’asset Management : par exemple la Louisiane, qui s’est débarrassée des 794 millions de dollars investis via BlackRock pour protéger les finances de la Louisiane « de l’ESG et des stratégies de neutralité carbone qui veulent détruire l’industrie des fossiles ».

 

Est-ce que Blackrock subit la lutte qui l’oppose depuis maintenant plus d’un an aux républicains du fait de sa politique très verte ?

On est en droit de se le demander.