COP27 : un bilan en demi-teinte ?
Robin Edme
Co-fondateur du Forum pour l'Investissement Responsable (FIR) et de l'Eurosif, Président du think-tank 2 Degress Investing Initiative
Date : 08 décembre 2022

La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques 2022 (COP27) s’est tenue du 6 au 20 novembre 2022 à Charm el-Cheikh, en Égypte. Un rendez-vous qui devait permettre de planifier la mise en œuvre des promesses émises lors de la COP26 de Glasgow et préparer le terrain pour la COP 28 de 2023 à Dubaï. Parmi les enjeux annoncés de cette conférence : la question du financement pour le climat et celle du soutien financier des pays les plus vulnérables.

 

Robin Edme, co-fondateur du Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) et de l’Eurosif, Président du think-tank 2 Degress Investing Initiative, explore avec First Finance les grands enjeux et le bilan de cette conférence historique*.

 

Né d’un constat et d’une volonté politique de répondre aux enjeux climatiques de plus en plus pressants, les COP (Conference of the parties) de la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC / UNFCCC) ont souvent été le lieu de débats tendus, de quasi-ruptures et de fortes critiques. Un climat de tensions généralisées qui se traduit très souvent par des prolongations, pour permettre d’aboutir à un accord… à l’arraché. Elles ont aussi été des moments d’engagements et d’ambitions fortes, tout comme de situations cocasses. La 27ème COP qui s’est déroulée cette année à Charm el-Cheikh, en Egypte, n’a pas échappé à la règle.

COP27 de 2022 : une conférence mouvementée

Avant même le lancement de l’événement, la présence de Coca-Cola, l’un des 10 sponsors de la COP de cette année, avait été très violemment critiquée par les ONG, estimant que la société contribue à 10% de la pollution plastique dans le monde. Un sponsor controversé, parmi d’autres, qui faisait déjà planer l’ombre du greenwashing sur la COP27 pour certains observateurs, les faisant douter sur la capacité des gouvernements à obtenir des avancées significatives pour le climat.

 

Après le lancement de la COP, les petits désagréments logistiques se multiplient et contribuent à détériorer une ambiance déjà tendue. Les participants sont très vite à court de boissons y compris d’eau (en revanche, les Coca-Cola et autres Fanta étaient à profusion), les buffets se vident en moins d’une demi-heure, les déplacements entre les lieux de la conférence semblent interminables dans des conditions dignes du métro parisien aux heures de pointe, sans compter sur la taille des salles de conférences qui ne permettent pas d’accueillir la totalité des délégations officielles et encore moins les observateurs (la « société civile »).

 

Les échanges sont houleux, les différents pays participants peinent à atteindre un consensus. Soucieuse de maintenir la crédibilité des engagements pris avec le pacte de Glasgow pour le climat, l’Union européenne menace de quitter les lieux le lendemain de ce qui devait être la fin officielle de la COP, si l’objectif de 1.5°C devait être remis en cause. Le temps de la négociation, initialement prévu du 6 au 18 novembre, doit finalement être prolongé jusqu’au dimanche 20 novembre. Les discussions butent sur la question du fonds de réparation des dégâts déjà subis par les pays en voie de développement.

La justice climatique au cœur des négociations

Le ton était donné d’entrée de jeu avec les propos tenus par le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, qui a déclaré lors de l’ouverture de la COP27 que « nous sommes sur une route vers l’enfer climatique avec le pied sur l’accélérateur » et que « l’humanité a le choix : coopérer ou périr. Il s’agit soit d’un pacte de solidarité climatique, soit d’un pacte de suicide collectif ». Lors de l’ouverture de la COP15 sur la biodiversité qui vient de s’ouvrir, il a réitéré son signal d’alarme en déclarant que « l’humanité était une arme de destruction massive ».

Alors que les pays du G20 sont responsables de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les pays les plus pauvres sont aujourd’hui les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique. La COP était l’occasion de rattraper le tir pour les pays en voie de développement, revendiquant des transferts au titre de la « dette climatique ». Ils appelaient ainsi à la création d’un fond permettant de financer les pertes et dégâts subis par eux du fait du changement climatique, lui-même doté de 100 milliards de dollars. 2ème pomme de discorde des débats sur le financement, la 1ère renvoyant à la promesse non tenue de l’abondement du fonds vert pour le climat.

 

La création de ce fonds d’aide à la transition, notamment pour les pays en voie de développement, de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, remonte à la COP15 qui s’est tenue à Copenhague en décembre 2009 sous l’impulsion des Etats-Unis. En 2015, la promesse a été inscrite dans l’Accord de Paris. Nous sommes en 2022, soit 13 ans plus tard, et seuls un peu plus de 80% de la cible sont atteints en 2020.

La COP27, un bilan mitigé sur le changement climatique

Au lendemain de la COP27, que reste-t-il du programme de travail et des objectifs fixés par les différents pays participants ? Les engagements pris sont-ils à la hauteur du défi lancé ?

 

En substance, en regardant le verre à moitié plein, trois points forts peuvent être relevés :

  • La création, après d’âpres négociations, d’un fonds « Pertes et dommages » pour les pays en voie de développement qui vient compléter le fonds vert pour le climat ;
  • La réaffirmation de notre objectif climatique global de 1,5°C ;
  • Une plus grande attention portée à l’adaptation au changement climatique et l’augmentation de son financement.

 

Inversement, si on regarde le verre à moitié vide, quatre questions centrales restent en suspens :

  • Les modalités de financement et de fonctionnement de ce nouveau fonds ;
  • L’insuffisance des actions et des politiques pour tenir l’objectif de 1,5°C (nous sommes actuellement plutôt sur une tendance proche des 2,5°C);
  • Un financement de l’adaptation très inférieur aux besoins actuels et futurs (97% des financements publics et privés actuels financent la réduction des GES)
  • Un renforcement de la force de frappe des lobbys pro-fossiles, en augmentation de l’ordre de 20% par rapport à la COP26 de Glasgow qui laisse craindre un ralentissement des négociations lors des prochaines COP, voire un retour en arrière sur certaines mesures clés.

 

Un bilan mitigé, en partie dû aux oppositions sur un certain nombre de points. La Chine, le Brésil et l’Arabie saoudite figurent ainsi parmi les pays qui se sont élevés contre une ambition renforcée en matière de réduction des émissions. Lors des discussions de dernière minute sur le projet d’accord final, l’Arabie saoudite et la Russie ont fait partie des pays qui ont contesté la section sur l’énergie, en mettant l’accent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation des énergies renouvelables.

 

Comme l’indique Christian de Perthuis dans son bilan de la COP27 dans The Conversation, « Si la COP27 n’a pas apporté de changements radicaux, elle a levé un obstacle de taille à l’accélération de l’action climatique en désamorçant les contentieux qui s’accumulaient sur les financements. Durant les deux prochaines années, le premier bilan quinquennal de l’Accord de Paris sera réalisé. C’est une étape déterminante pour la construction d’un dispositif de monitoring et reporting qui est encore trop lacunaire. »

COP, un modèle à challenger ?

La pertinence de cet instrument des COP est aujourd’hui fortement contestée. Sur le fond, parce que les avancées âprement négociées année après année ne sont pas considérées à la hauteur des enjeux et de l’urgence des réponses à apporter (« need to scale up and speed up »). Sur la forme, parce qu’à aucun moment il n’est rendu compte de l’impact environnemental de ces grandes conférences internationales. Malgré tout, la COP27 peut être considérée comme un succès à un double titre :

  • Elle a réussi à démontrer le poids croissant des pays les moins avancés, des pays insulaires et des pays en voie de développement dans l’élaboration du contenu de l’accord final ;
  • Elle a montré que les rapports de forces qui s’y sont exprimés restaient encore à l’avantage des Etats même si, d’après certaines personnes bien introduites, les lobbys pro-fossiles ont réussi à amoindrir, dans une certaine mesure, l’ambition des actions contre le réchauffement climatique qui étaient sur la table.

 

*Le contenu de ce blog a également bénéficié des éclairages de Hélène Lanier, Directrice générale de 2 Degrees Investing Initiative, et d’Edgi De Los Dos Santos, sa directrice des pays émergents, toutes deux présentes à la COP27 de 2022.

 

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